Cet article résume l’intervention de Marc HOUSSAYE, réalisée lors du VRUC organisé par l’association NWX en partenariat avec l’UIMM Rouen/Dieppe au sein des locaux de Toshiba France TEIS.
Tout le monde parle d’agilité de nos jours. C’est un terme à la mode, vendeur, dont tous les services marketing se sont emparés. Car dans un monde mû par la compétitivité, on nous enjoint à être de plus en plus efficace, productif, évolutif ; en un mot : agile. Ce terme d’« agilité » peut aussi rimer avec « malin », intelligent. Le vocable « smart » n’est d’ailleurs jamais bien loin lorsque l’on évoque l’agilité. Aujourd’hui, qui veut montrer son ambition et sa volonté d’innover doit se déclarer agile.
Oui mais voilà, derrière cette vague d’agilité qui agite le monde de l’entreprise se cachent :
- souvent de simples opérations de communication,
- parfois un dogmatisme très rigide.
À la suite d’un sondage à main levée, si le mot « agilité » semble assez bien connu dans l’assemblée, les principes restent flous dans la tête des participants. C’est pourquoi il est nécessaire de revenir aux sources de l’agilité en présentant tout d’abord le manifeste agile.
Le manifeste agile a été rédigé en 2001 par des experts en développement d’applications informatiques pour assurer une évolution rapide de systèmes informatiques auquel le traditionnel cycle en V ne permet pas de répondre. Le constat est dur mais lucide, il n’est pas rare en effet d’observer :
- au moment de la livraison des logiciels, une inadéquation aux besoins des utilisateurs,
- un dépassement conséquent, voire insoutenable, du budget initial,
- carrément des abandons de projet.
Ces premiers agilistes de l’informatique vont d’abord poser les bases conceptuelles et pragmatiques pour repenser la manière dont un chantier doit se dérouler.
Le manifeste agile est une sorte de charte, l’équivalent d’une constitution pourrions-nous dire, ou d’une déclaration telle que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.
Nous découvrons comment mieux développer des logiciels par la pratique et en aidant les autres à le faire. Ces expériences nous ont amenés à valoriser :
- Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils
- Des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive
- La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle
- L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan
Nous reconnaissons la valeur des seconds éléments, mais privilégions les premiers.
En plus de la charte très épurée que représente le manifeste, douze principes en précisent certains aspects :
- Notre plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée.
- Accueillez positivement les changements de besoins, même tard dans le projet.
- Livrez fréquemment un logiciel opérationnel avec des cycles de quelques semaines à quelques mois et une préférence pour les plus courts.
- Les utilisateurs ou leurs représentants et les développeurs doivent travailler ensemble quotidiennement tout au long du projet.
- Réalisez les projets avec des personnes motivées. Fournissez-leur l’environnement et le soutien dont elles ont besoin et faites-leur confiance pour atteindre les objectifs fixés.
- Privilégiez la co-location de toutes les personnes travaillant ensemble et le dialogue en face à face comme méthode de communication.
- Un logiciel opérationnel est la principale mesure de progression d’un projet.
- Les processus agiles encouragent un rythme de développement soutenable. Ensemble, les commanditaires, les développeurs et les utilisateurs devraient être capables de maintenir indéfiniment un rythme constant.
- Une attention continue à l’excellence technique et à un bon design.
- La simplicité – c’est-à-dire l’art de minimiser la quantité de travail inutile – est essentielle.
- Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées.
- À intervalles réguliers, l’équipe réfléchit aux moyens possibles pour devenir plus efficace. Puis elle s’adapte et modifie son mode de fonctionnement en conséquence.
Ces principes énoncés permettent de projeter concrètement dans son quotidien les valeurs portées par le manifeste.
Le manifeste agile a été rédigé par des experts en informatique mais signalons qu’à l’origine, c’est bel et bien dans le milieu industriel que le concept d’agilité est apparu.
En effet, dans les années 1950, l’entreprise Toyota repense totalement son organisation, notamment en inventant la méthode du « juste-à-temps » dont le but est d’organiser et de gérer la production au sein de l’industrie. L’objectif est alors de minimiser les stocks et les en-cours de fabrication, de gagner en efficacité, en durabilité.
Le « kanban », que les agilistes connaissent bien, ce tableau composé de colonnes dans lesquelles évoluent les tâches à réaliser sous forme de post-it, signifie « étiquette » en japonais. Certaines règles associées au kanban permettent de fluidifier la production. Par exemple, la colonne listant les tâches en cours ne doit pas être composée de plus de x tâches (x pouvant évoluer avec le temps).
Pour ceux qui ont déjà entendu parler d’agilité, voire qui l’ont pratiqué, les méthodologies comme « Scrum » ou « Extreme Programming » ne leur sont certainement pas étrangères. C’est d’ailleurs souvent une porte d’entrée pour découvrir le monde de l’agilité.
Cependant, nous ne sommes pas les seuls à considérer qu’il existe dans ces méthodes qualifiées d’agiles un potentiel de rigidification qui peut totalement dénaturer l’esprit de l’agilité. C’est pourquoi nous conseillons à chaque organisation de créer ses propres méthodes en s’inspirant des principes premiers. Cela permet de faire émerger au sein de l’entreprise des modes de fonctionnement en adéquation avec les personnes qui la composent.
Les méthodes agiles sont à l’agilité ce que les religions sont à la spiritualité. Des dogmes sur lesquels il est possible de prendre exemple mais dans lesquels il ne faut pas s’enfermer pour ne pas perdre sa liberté.
On loue généralement l’agilité parce qu’elle est en mesure de générer une plus grande rapidité d’exécution. Mais l’agilité est d’abord vécue et reconnue pour des dimensions bien plus importantes :
- la nécessité de trouver/construire du sens à ce que l’on fait, à ce à quoi l’on participe,
- le besoin de se sentir utile,
- le besoin d’appartenir à quelque chose de plus grand,
Notre monde a vu se développer considérablement en quelques décennies la rapidité des échanges et l’accroissement de la complexité. Au travailleur-robot du taylorisme doit succéder un employé responsable, un peu comme l’artisan qui possède une vue d’ensemble (et donc participe à l’utilité) de l’œuvre globale réalisée par l’entreprise.
Ce besoin de retrouver du sens, de permettre à tous de renouer avec l’esprit créatif se traduit par la génération et l’entretien de flux de participation, d’implication, de responsabilité, au sein d’une organisation. L’agilité, dont les bénéfices sont de décupler la créativité, de faire émerger des alternatives, de conduire plus rapidement à des solutions jugées viables, nécessite de penser et ritualiser les échanges entre les différentes personnes d’un même groupe.
Nous ne sommes pas contre la hiérarchie pyramidale ; elle a toujours son utilité dans certains cadres : légal, décisionnel, administratif, etc. Il est par contre capital d’y adjoindre un schéma plus circulaire et plus rassembleur, la plupart du temps sur les plans de la productivité, voire de la stratégie, de « mélanger » les gens. Cela a par exemple un sens en mode « projet » où des ouvriers qui seront amenés à utiliser les outils de demain vont participer dès le début à leur conception.
C’est ce sentiment d’appartenance au groupe qu’il nous faut préserver.
Vos projets doivent correspondre à la réalité du terrain et être suffisamment évolutifs pour s’adapter aux changements. Pour recueillir toutes les énergies positives des membres de votre groupe, il faut donc :
- Bien cadrer le projet, préciser les objectifs, partager la vision,
- Faciliter l’autonomie des équipes pour la résolution des problèmes,
- Favoriser l’amélioration continue.
Les Maîtres-Mots sont :
- Responsabiliser
- Partager
- Produire du concret régulièrement
Cette démarche de rétroactions éclairées doit également très bien s’appliquer à la relation avec le client.
De nombreux outils existent pour faire vivre au quotidien cette philosophie agile, qui, rappelons-le, impose beaucoup de rigueur et de la constance. Mais avant de s’embarquer dans la mise en pratique, il est dans un premier temps préférable de se concentrer sur l’évangélisation de cette démarche et s’assurer que la plupart des personnes de l’équipe dirigeante s’associent à cette démarche d’agilité. Un certain nombre de responsables doivent souhaiter voir émerger une telle organisation. En effet, imposer l’agilité aux équipes est un non-sens qui s’avérera contre-productif. Il est sage de commencer par réunir autour de vous quelques collaborateurs motivés, puis de présenter à des cercles de plus en plus larges les mesures et règles que vous proposez d’instituer.
Même l’adoption de l’agilité au sein d’une entreprise doit se réaliser de manière itérative et incrémentale !
Voici quelques exemples d’utilisation de l’agilité dans un univers industriel qui ont nécessité l’implication d’acteurs variés et complémentaires et dont le but est d’améliorer la productivité par l’automatisation de tâches fastidieuses et répétitives tout en améliorant l’organisation interne :
La Générale de Manutention Portuaire (GMP) est une société composée d’environ 1 200 employés. Elle évolue dans un milieu industriel (port du Havre), aux équipements et investissements lourds. Son cœur d’activité est la manutention de conteneurs (transbordement, stockage et logistique).
En moyenne, un camion toutes les quinze secondes accède au terminal. De prime abord, l’infrastructure et le fonctionnement de cette entreprise n’invitent pas à l’agilité. Et pourtant, un problème lié à la prise de réservation par les clients transporteurs fait entrer l’agilité au sein de la GMP.
Une des répercussions de ces développements informatiques (qui se poursuivent toujours dans le cadre d’une amélioration continue) :
- une considérable amélioration de circulation aux abords des terminaux
- de meilleures conditions de travail pour les dockers.
La société EDC Transmouss fabrique des emballages sur mesure en carton ondulé. En accompagnant l’entreprise dans la mise en valeur de ses réalisations et en mettant en place une politique de référencements naturel (SEO) et payant (SEA), l’entreprise a pu transformer ses commerciaux naviguant sur tout le territoire du Grand Ouest français en deviseurs qui réceptionnent les demandes et approfondissent les besoins de leurs prospects. Gains :
- Moins de frais liés aux voitures et au carburant
- Moins de fatigue et moins de pollution
- Plus d’échanges et de conseils et d’accompagnement en amont des projets entre les deviseurs et les prospects
Vous avez détecté dans votre entreprise des processus chronophages, qui manquent de fiabilité ou automatisables. Voici une belle occasion d’initier un projet d’application web métier de façon agile. En faisant participer des personnes aux horizons variés – de différents services, de différents grades – qui sont motivées, nous saurons produire ensemble un outil efficace, utile et parfaitement intégré au développement de votre entreprise.